Quelques précisions sur le YIN/YANG : Théorie essentielle de la pensée orientale mais aussi la plus mal interprétée

On a eu beau chercher le YIN/YANG dans un corps humain, personne ne l’a encore trouvé… et pourtant il y est omniprésent dans ses moindres interstices : pas d’existence propre et pourtant au début et à la fin de tous les processus ! Quel paradoxe !

Et pourtant quelle prouesse dialectique !

A la fois mythe de la création et métaphysique lucide, le YIN/YANG ne décrit pas une substance du corps humain (ce dernier n’a d’ailleurs pas plus de bois, de feu, de terre, de métal ou d’eau). Il s’utilise en tant que mode de classification des phénomènes de l’existence autour de 2 principes (on ne peut encore naître que garçon ou fille) : il est LA dialectique primordiale en Orient pour qualifier toute manifestation et donc embrasser l’ensemble du vivant.

Le YIN/YANG sert en effet à définir toutes réalités (invariablement appréhendées sous l’angle dynamique), lesquelles seront inexorablement constituées de qualités apparemment antithétiques mais indissociables pour exister (l’expression YIN/YANG est immuable et les deux termes sont toujours accolés) : on prend habituellement pour métaphores les deux côtés d’une même pièce (pile/face), les deux versants d’une montagne (adret/ubac), les deux temps d’une respiration (inspir/expir) ou d’une activité cardiaque (diastole/systole), l’alternance du jour et de la nuit, l’expression de l’un menant irrémédiablement vers la manifestation de l’autre.

« YIN/YANG, c’est l’unité qui engendre la dualité », nous dit le SU WEN.


Outre ses principes cosmologiques que nous laisserons de côté ici, il représente le mariage nécessaire des antipodes, en interaction et en complémentarité permanente mais aussi -plus difficile à comprendre- en interdépendance. Un principe ne peut exister sans l’autre pour donner vie et si une dysharmonie se crée entre les deux, ils chercheront sans relâche à retrouver le lien d’équilibre mutuel pour assurer leur pérennité, ce à quoi correspond la santé (attention, leur ratio n’est pas nécessairement équivalent).

Pas d’ombre sans lumière. Pas de médaille sans revers. Chaque principe permet de révéler l’essence et l’importance de l’autre. L’altérité (la différence) demeure la condition sine qua non à la connaissance et la révélation de qui je suis et donc de mon identité propre (cf. « Éloge de la différence », d’A. Jacquard).

Contrairement aux idées reçues, le YIN/YANG n’aime pas les extrêmes et rejette toute notion d’adversité et toute velléité d’absolu (« toute forme d’absolu relève de la pathologie », disait F.W. Nietzsche). Il permet a contrario une caractérisation subtile de toute la manifestation -dénuée de jugement de valeur- non pas en 2 mais en 8, 64 voire même 384 nuances dynamiques, déclinaisons énergétiques plus précises de la relation entre ces 2 forces inséparables tristement perçues comme antinomiques alors qu’elles ne cessent de se nourrir, de se révéler et de « muter » l’une en l’autre (cf. le YI JING dont C.G. JUNG disait qu’il était « l’ouvrage le plus abouti de l’Histoire universelle », sans lequel ses théories de la synchronicité ou des archétypes n’auraient jamais vu le jour).

Quelle qualité YIN/YANG attribuons-nous en effet à l’eau tiède ? Cette eau est-elle en phase de refroidissement ou de réchauffement ? Telle est la manière de poser des questions en Orient, auxquelles les asiatiques vont répondre en une dialectique YIN/YANG et illustrer éventuellement sous forme d’hexagrammes…

Il existe bien dans l’eau tiède un habile mélange d’eau froide et d’eau chaude en des proportions qui peuvent être variables, avec une dynamique de refroidissement (une fois qu’elle se trouve dans votre bain) ou de réchauffement (quand elle se trouve sur le feu). Elle a même le potentiel de refroidir suffisamment pour se transformer en glace, matière solide, et de chauffer assez fort pour se transformer en vapeur, élément gazeux…

Sans aller comme certains jusqu’à prétendre que le YIN/YANG incarnerait les prémisses de la théorie de la relativité bien avant Poincaré ou Einstein, il va nous permettre, en thérapeutique, de classifier avec précision les profils énergétiques (la constitution), les dérèglements, les signes ou autres, de telle manière que nous pourrons en tirer une orientation claire pour promouvoir le retour à l’ordre naturel des souffles, c’est-à-dire les mouvements justes de l’organisme.

Sans répéter ici les aspects majeurs de la relation YIN/YANG cités dans toute la littérature consacrée, il est important de rappeler quelques erreurs et omissions d’interprétation fréquentes :

1- Il ne doit pas y avoir de principe à imposer sa suprématie dans les questions de santé (= cette dernière correspond à l’absence de différentiel important entre les deux polarités). Le YIN total n’est pas la vie, le YANG absolu non plus ; seule leur union la produit. On parle du « YIN/YANG ». Vous êtes en vie car les deux forces vous caractérisent et interagissent ensemble en permanence même si, lois naturelles obligent, leur proportion varie en fonction des individus, de l’hérédité, de l’âge, du sexe, de la saison, etc.

2- Malgré ce point, à y bien observer, en toile de fond du dessin se trouve la couleur noire, représentation du YIN, sur lequel le symbole semble « s’adosser ». C’est à la fois l’illustration de l’origine indifférenciée de la vie et l’expression de la manifestation sous toutes ses formes (s’incarner, c’est ancrer l’esprit YANG dans le YIN). C’est la raison pour laquelle « YIN » est invariablement cité en premier dans l’expression « le YIN/YANG » (on ne dit jamais « le YANG/YIN »). Mais c’est aussi l’illustration de ce qu’il convient de protéger au plus haut point pour assurer le maintien de la vie : « En premier est le YIN. Priorité au YIN lorsque l’on soigne », disent les textes classiques, ce qui correspond synthétiquement aux organes internes et à leurs fonctions.

3- La femme ne représente pas le YIN pur, pas plus que l’homme le YANG pur. Les deux sexes sont invariablement caractérisés par les 2 principes, sans lesquels ils ne prendraient pas naissance. L’un est juste physiquement et comparativement plus YANG puisqu’externe et visible. Mais un homme peut avoir un caractère bien plus YIN que celui d’une femme et vice versa…

4- Le mondialement connu TAI JI TU est le symbole qui représente ces 2 principes interdépendants, complémentaires, alternants et capables de s’engendrer, de se limiter et de se transmuter l’un l’autre. Mais gare à la pensée manichéenne, qui décrirait une dichotomie et ne pourrait s’affranchir d’une analyse clivante des phénomènes… Le YIN/YANG n’est pas une théorie binaire qui décrirait un conflit ou une adversité, comme celle du bien et du mal, loin s’en faut ! Il s’agit d’un couple qui ne sait se lâcher la main, s’entraide, se complémente, se pondère, se nourrit, s’engendre, mutualise, y compris et surtout dans les situations les plus périlleuses… car quand la main est lâchée, point n’est possible de revenir en arrière (la mort signifie la séparation du YIN et du YANG).

5- Vous l’avez compris : la vie ne peut se passer ailleurs que sur cette troisième entité créée par l’union des 2, cette magnifique ligne de crête qui les unit en une route sinueuse et fragile où nous ne cessons de poser le pied tant que nos cellules nous prêtent vie. Sous ses apparences trompeuses de bipolarité ou de binarité, le YIN/YANG symbolise donc une trinité qui semble relier le Ciel et la Terre ! Si le couple représente la vie, la femme seule ne la représente pas, pas plus que l’homme seul, mais leur union dynamique oui… sans laquelle la vie ne peut s’engendrer. C’est cette 3ème entité qui nous intéresse…

6- La représentation du TAI JI TU a le désavantage de figer le symbole dans l’espace, donnant l’impression d’une inertie totale. Or il est tout l’inverse ! Il conviendrait de toujours l’imaginer en mouvement dans la mesure où il décrit l’équilibre dynamique permanent des phénomènes de l’existence (comme le maintien en équilibre du vélo et de la toupie conditionnés par la force cinétique). C’est un symbole qui tourne, respire, s’expanse, se dilate, se condense ! Cette image, par nature statique, porte donc à confusion. Le mouvement EST la condition sine qua non à l’existence, dont la vélocité ou les rythmes peuvent s’avérer très variables selon les sujets en question. Tout est en mutation perpétuelle…

« Une seule chose est permanente, c’est le changement », disent les taoïstes imprégnés du YI JING, le célèbre livre des changements, des mutations ou des transformations.

7- Il est à noter qu’on devrait toujours placer le YANG-blanc à gauche (principe qui devrait être représenté en rouge, comme le feu, pour coïncider avec la théorie des 5 éléments), en direction ascendante puisque léger (comme la dynamique de la chaleur) ; si bien que le YIN noir se retrouve irrémédiablement à droite en direction descendante puisque lourd (comme la dynamique de l’eau).

8- Que vient s’ajouter en théorie autour du symbole, qui est la plupart du temps oublié dans les récupérations occidentales ?
Les BA GUA ou 8 trigrammes (superpositions de 3 traits pleins YANG ou interrompus YIN, que nous appelons les YAO ou HSIAO) qui se placent de manière octogonale aux 4 points cardinaux d’abord, puis à leurs intermédiaires, et qui expriment les 8 déclinaisons essentielles du YIN/YANG, rendant ce dernier plus subtil et utilisable dans une dimension philosophique ou oraculaire (BU SHU). Ces 8 trigrammes sont censés représenter les 8 éléments constitutifs basaux de l’univers, donc pour le moins importants, et sont à l’origine de la production des 64 hexagrammes du YI JING qui, eux, dépeignent dans la pensée chinoise l’ensemble des états de mutations possibles de la création. Le vrai symbole, tiré du YI JING, l’un des plus vieux ouvrages de l’humanité, que vous trouvez un peu partout à l’entrée des maisons, des boutiques ou des pagodes en Asie, est le suivant :

BA GUA = 8 représentations symboliques simples pour exprimer la complexité des phénomènes de l’univers dans un incessant processus de changement : tel était l’objectif recherché par les sages de l’antiquité !

Nous vous laissons le loisir d’en imaginer les correspondances…

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