Le QI dans la pensée chinoise : le concept équivoque d’« énergie »

Afin d’appréhender au mieux la pensée chinoise traditionnelle, il convient de se familiariser également avec la notion de « QI », omniprésente en Orient (et a fortiori dans des disciplines telle que l’acupuncture).

L’idéogramme comprend une partie YIN en bas, matérielle, et une partie YANG en haut, immatérielle ; les deux étant séparées l’une de l’autre par un trait stylisé qui peut symboliser l’interdépendance, la complémentarité, l’alternance, mais aussi le mouvement ou la transformation (c’est l’équivalent de la ligne de rencontre des polarités évoquée dans la présentation succincte du YIN/YANG).

Sans entrer dans des méandres étymologiques, « l’énergie » au sens asiatique ne décrit donc pas une réalité exclusivement immatérielle, invisible, insaisissable, un principe vital sans visage, comme dans un certain nombre de traditions. La particularité de la vision orientale est que le QI pourra avoir des manifestations diverses, plus ou moins substantielles et objectivables : pour un asiatique, le sang est une énergie, l’immunité est une énergie, les idées, humeurs ou intentions (bonnes ou mauvaises) sont des énergies, une douce brise chaude est une énergie, un coucher de soleil sur l’horizon est une énergie, la respiration ou la capacité de transformation digestive également.

Le corps physique, tout comme l’esprit vital qui l’anime, partagent en effet une origine commune et indifférenciée, « le QI », qui a la particularité de prendre des formes plus ou moins denses et manifestées ou volatiles et éthérées… Il ne peut ainsi exister d’opposition brute entre ce qu’on appelle la matière et l’énergie dans la mesure où elles sont de même source essentielle et parties intégrantes d’un même continuum : symbole de l’unité et de l’ordre naturel de l’univers, le QI provient de ce qu’on pourrait qualifier d’agglomérat originel indifférencié des souffles, à la source de toute vie. Chacune des innombrables énergies va avoir sa singularité mais va partager la même source, la même essence. L’ensemble pourrait d’ailleurs être illustré par les différents « états de la matière » (la molécule d’eau est bien le constituant principal de la neige sur laquelle vous skiez ou de la mer sur laquelle vous naviguez, de l’infusion que vous ingérez ou de la vapeur émanant de la cuisson de votre riz).

Pas facile à cerner dans une vision purement mécaniste, qui considérerait de surcroît qu’il est nécessaire d’avoir un support matériel à toute fonction, dissociant les deux bien que les rattachant… Beaucoup moins dans la pensée orientale qui les assimile et qui fait même présider et survivre la fonction à toute manifestation physique (« c’est la fonction qui fait l’organe et non l’organe qui fait la fonction », disent certains penseurs)… L’énergie au sens oriental est en effet d’abord l’expression d’une dynamique, avec ses caractéristiques et potentiels propres.

Le terme « QI » peut donc paraître profondément équivoque pour un public non averti. Son emploi est toujours juste mais flou pour le profane : notion capitale, il ne peut ainsi être utilisé et compris avec clarté indépendamment d’un contexte précis, lequel va finalement être la condition essentielle de sa juste définition !

Énergie et matière, souffle et forme, activité fonctionnelle et substance sont à la fois distincts et inséparables.
Telle est la subtilité d’une pensée traditionnelle holistique, toute en nuances, finesse et ingéniosité !

Il va donc s’agir d’en connaître les différentes formes et d’adapter le regard et l’interprétation à chacune des situations. L’emploi du même terme va ainsi servir à caractériser des notions souvent différentes : tantôt plus YIN (manifesté, lourd, lent), tantôt plus YANG (non manifesté, léger, rapide), le terme « QI » décrira diverses fonctions ou substances vitales mais il demeurera inexorablement le résultat de l’interaction du YIN/YANG en des proportions variables et ainsi la préoccupation majeure de nos approches puisque une de ses formes sera immanquablement atteinte dans tout processus pathologique…

C’est une des raisons pour lesquelles des expressions telles que « les souffles » ou « les QI » sont souvent préférées par les praticiens avisés et, si besoin il y a d’éviter la confusion, ses différents catégories seront précisées en fonction des circonstances.

Pour décrire les diverses manifestations du QI, nous parlons par exemple en MTC de :

  • GU QI, l’énergie produite à partir des nutriments de l’alimentation et de l’eau ;
  • QING QI, l’énergie produite à partir de l’oxygène de l’air ;
  • JING QI, l’énergie héréditaire ;
  • XUE QI, du sang ;
  • WEI QI, l’énergie de surface à vocation défensive ;
  • YONG QI, l’énergie nourricière ;
  • SHEN QI, l’énergie psychique ;
  • ZHENG QI, l’énergie droite (ou correcte) faisant la synthèse de l’ensemble des énergies produites par le corps, qui s’oppose à XIE QI, l’énergie pathogène ;
  • etc.

Contrairement à ce qu’on pourrait en penser de prime abord, le parallèle avec une lecture moderne et occidentale n’est pas hors de portée…

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